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Jurisprudences Estivales : Ce qu'il ne fallait pas manquer !

Explorez les jurisprudences estivales qui façonnent le Crédit d'Impôt Recherche (CIR) et le Crédit d'Impôt Innovation (CII) avec notre expert fiscal Julien Soilly.

L'été est une période propice à la détente, mais aussi à la veille juridique. Faisons ensemble un tour d'horizon des décisions marquantes concernant le CIR et le CII.

Pour rappel, la jurisprudence, c'est l'historique des décisions prises par les juges. Chaque fois qu'un juge tranche une question difficile, il crée une sorte de « guide » pour les prochains qui rencontreront la même situation.

Prêt pour cette revue ? 😊

Subventions & CIR (Crédit d'Impôt Recherche) - Ce que vous devez savoir :

Arrêt du Conseil d'Etat (CE, 12 juillet 2023, n°463363)

Cette décision du Conseil d’Etat était très attendue et semble plus favorable que la décision initiale.

Contexte & Base de Calcul du CIR : Lorsque vous recevez des subventions publiques pour votre entreprise, celles-ci doivent être déduites de la base de calcul du CIR à condition naturellement de concerner des opérations éligibles.

La notion de subvention avant la décision du CE : Plusieurs définitions cohabitaient et la notion de subvention s’élargissait au fil des décisions glissant même sur le concept « d’aides ». La Cour administrative d'appel de Paris avait en effet énoncé en février 2022 que les cotisations obligatoires versées par des adhérents, sans contrepartie, à une structure que celle-ci reversait à l’institut FCBA pour alléger les opérations de recherche devaient être regardées comme une subvention publique.

Décision du Conseil d'État : le Conseil d'État a tranché et a clarifié la situation en considérant que seules les aides provenant d'entités gouvernementales (personnes morales de droit public) sont qualifiées de "subventions publiques". Les aides du secteur privé, même si elles proviennent de cotisations "obligatoires", ne sont pas à déduire de l'assiette du CIR.

L’avis de notre Directeur fiscal : Cette décision est intéressante pour les entreprises que la notion reste cantonnée à celle « d’aides publiques ».

Elle ne tranche pas complètement le sujet qui reste sur la définition de subvention. La question de la « contrepartie » demeure encore sans réponse, en particulier pour ce lorsque celle-ci est particulièrement faible , parfois de l’ordre de 0,x%. Il est très probable que cette question soit tranchée dans un futur proche, car elle est  au centre de plusieurs litiges. Mais cela, nous en parlerons dans un prochain article.

Vous devez principalement faire attention aux subventions que vous recevez de l'État, des collectivités territoriales et des établissements publics.


Consortium & CIR (Crédit d'Impôt Recherche) - Éléments clés à retenir :

Arrêt du Conseil d'Etat (CE, 26 juillet 2023, n°466493)

La décision du Conseil d'État aborde un point très technique : la prise en charge par un membre du consortium d’une dépense d’une facture émise par un autre sous-traitant

Contexte : Une société a mené un projet de recherche dans le cadre d’un appel à projet diligenté par le Centre national d'études spatiales (CNES). La société avait par ailleurs recours à 3 sous-traitants pour la réalisation des travaux. La relation entre les cinq entités, s’est traduite par la création d’un « CONSORTIUM » . La société a confié des travaux de sous-traitance aux membres du consortium dans le, mais c'est le CNES qui a pris en charge ces frais. Conformément à un avis de la Compagnie Nationale des Commissaires aux Comptes, la société a comptabilisé en produits le montant total du marché et en charges les dépenses de sous-traitance réalisée dans le cadre de la réalisation du marché public et donc des opérations de R&D.

La société a comptabilisé en charge, les montants facturés auprès du CNES réalisés par les autres membres du consortium

Qu'est-ce qu'un "consortium" ? Il s'agit d'un accord formel entre deux ou plusieurs parties pour collaborer à un projet commun. Dans ce cas, après avoir remporté un marché public avec le CNES, la société remise en question a formé un consortium.

Cas de la société remise en question : La société a confié des travaux de sous-traitance à des membres du consortium dans le cadre des travaux menés, mais c'est le CNES qui a pris en charge ces frais. Même en l'absence de mouvements financiers tangibles, une écriture comptable de charge a été enregistrée, une démarche qui a reçu le feu vert des Commissaires aux Comptes. L’administration a quant à elle remis en cause cette écriture comptable

Décision du Conseil d'État : Les juges ont considéré qu’une telle position reviendrait à exclure du CIR toutes les entreprises ayant recours à la sous-traitance pour la réalisation d’un marché public.  Le règlement a été effectué au nom de la société et pour son propre compte. L’absence de mouvement de trésorerie n’exclut pas le fait de supporter le coût de la prestation Ainsi, en dépit de l'absence d'échanges monétaires, la dépense de sous-traitance a été validée.

L’avis de notre Directeur fiscal : Le Conseil d’Etat a pleinement joué son rôle de garant du droit. Malgré l’absence de transaction financière, les juges ont d’abord observé que l’écriture était une charge régulière engagée pour des opérations de R&D, qui vient en déduction du résultat fiscal, elle est donc éligible.

Cette décision illustre l’importance de la comptabilité. Nous ne le dirons jamais assez, la comptabilité est le juge de paix. .

Il convient de rester prudent sur l’issu de la procédure. Madame la rapporteure publique a logiquement souligné que la question ne se reposait pas uniquement sur la régularité de la charge enregistrée comptablement mais plutôt sur la relation entre les protagonistes. Est-ce une relation de donneur d’ordre à sous-traitant ou une relation partenariale comme semblent l’indiquer les éléments contractuels. L’affaire va donc être de nouveau soumise à la Cour Administrative d’Appel.

Pour aller plus loin, en matière de fiscalité comme au rugby il faut rester sur les fondamentaux. Je déclare du CIR si je suis à l’initiative du projet de R&D et je valorise les dépenses que j’ai engagées pour la bonne réalisation de ces mêmes opérations de R&D.


Expertise du CIR & Procédures Administratives - Éléments clés à retenir :

Arrêt de la Cour Administrative d'Appel de Versailles (CAA, 23 mai 2023, n°21VE03300)

Cette décision s’inscrit dans la continuité de celles qui imposent aux experts des échanges avec les contribuables lorsqu’ils considèrent certaines opérations ou dépenses insuffisamment justifiées.

Contexte : Dans le cadre d’une vérification de comptabilité, l’administration fiscale a mandaté un expert du Ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche (MESR), pour vérifier que le projet décrit relève bien de la R&D.

Dans son premier rapport, l’expert a émis un avis négatif. La société a fourni des compléments puis suite à un échange avec l’expert, elle a fourni un second dossier. Toutefois, la demande de compléments ne concernait pas spécifiquement la sous-traitance.

Décision : La cour administrative d'appel rappelle l’obligation pour les experts de respecter l’article R45 B-1 du LPF. En clair, en cas d’insuffisance de justification, ils doivent adresser « une demande d’éléments justificatifs. L’entreprise répond dans un délai de trente jours, éventuellement prorogé de la même durée à sa demande. L’entreprise joint à sa réponse les documents nécessaires à l’expertise de l’éligibilité des dépenses dont la liste est précisée dans la demande d’éléments justificatifs () L’agent chargé du contrôle peut envoyer à l’entreprise contrôlée une demande d’informations complémentaires à laquelle celle-ci doit répondre dans un délai de trente jours. Si les éléments fournis par l’entreprise en réponse à cette demande ne permettent pas de mener l’expertise à bien, l’agent chargé du contrôle peut envoyer à l’entreprise contrôlée une seconde demande d’informations à laquelle celle-ci doit répondre dans un délai de trente jours. Dans ce délai, l’entreprise a la faculté de demander un entretien afin de clarifier les conditions d’éligibilité des dépenses. L’agent chargé du contrôle peut se rendre sur place après l’envoi d’un avis de visite »

L’avis de notre Directeur fiscal : La jurisprudence devient constante sur le sujet. Il est désormais avéré que les experts doivent échanger avec l’expert. Il est bon de rappeler que la garantie d’un débat oral et contradictoire n’est valable qu’avec le vérificateur et non l’expert. La constance des décisions sur le sujet est donc favorable au contribuable.

Il convient enfin de noter que les échanges avec les experts sont de plus en plus nombreux et importants.  


État de l’Art & Crédit d’Impôt Recherche : Synthèse des aspects cruciaux :

Jugement du Tribunal Administratif d’Amiens (TA, 25 mai 2023, n° 2100642)

La décision du Tribunal Administratif d’Amiens se penche sur la justification des recherches menées par rapport à l'état de l’art existant. L’absence de précisions suffisantes a entraîné le rejet du dossier de la société concernée par cette jurisprudence.

Contexte & Justification dans le CIR : La société a poursuivi les projets d’une société qu’elle avait reprise. Le projet porte sur « le développement technique de systèmes automatisés de stockage ET de mise à disposition en libre-service de produits alimentaires ».

Décision du Tribunal Administratif d’Amiens : Le juge a estimé que les informations fournies par la société ne permettaient pas de conclure à l'éligibilité des dépenses au CIR. En l'absence de démonstration claire par rapport à l'état de l’art et aux verrous technologiques, la demande de la société a été refusée.

L’avis de notre Directeur fiscal : Sur le terrain, les projets sont d’abord analysés au regard de l’état de l’art. Pour rappel, il s’agit d’une revue exhaustive et critique des connaissances techniques ou scientifiques actuelles sur un sujet donné.

Ce point est fondamental lorsque vous déposez un dossier de CIR et sera particulièrement scruté, à raison, par l’administration fiscale. . N’hésitez pas à vous faire accompagner sur ces points précis !


Immobilisation & Pro-rata d’utilisation dans la R&D :

Jugement du Tribunal Administratif de Versailles (TA Versailles, 8 juin 2023, n° 2200072)

La récente décision du Tribunal Administratif de Versailles aborde une question de méthode concernant le calcul du prorata d'utilisation des actifs immobilisés à la R&D.

Contexte & Calcul classique de l'utilisation des actifs immobilisés : La société concernée par cette jurisprudence avait choisi d'adopter une méthode classique, pour ne pas dire usuelle, pour évaluer le prorata d'utilisation des actifs immobilisés pour la R&D, en se basant sur le rapport des heures R&D par rapport aux heures travaillées.

Position du TA Versailles : Les juges rejettent l’application d’un taux unique pour l’ensemble des immobilisations mais attendent plutôt une évaluation unitaire, pour chaque bien utilisé. Par ailleurs, ce prorata doit correspondre à une réalité d’utilisation et non fondé sur le pourcentage de temps passé à la R&D par le personnel. Il doit correspondre à un pourcentage du temps d’utilisation de l’immobilisation.  

Implications pour les sociétés : Il est clair que le Tribunal Administratif de Versailles attend des entreprises qu'elles mettent davantage d'effort pour déterminer le pro-rata. La détermination du temps d’utilisation de telle ou telle immobilisation pourrait être consignée.

L’avis de notre Directeur fiscal : Ce jugement illustre l’importance de la justification du CIR/CII. Elle doit être rigoureuse et précise. Nous avions l’habitude du suivi de temps pour le personnel, il va désormais falloir prendre l’habitude du suivi du temps d’utilisation des immobilisations pour la réalisation d’opérations de R&D.

La justification du crédit d’impôt est essentielle car son défaut peut remettre en cause l’intégralité d’un projet de recherche pourtant reconnu.


Éligibilité au Crédit d'Impôt Innovation & Justification des Compétences des Salariés :

Jugement du Tribunal Administratif de Paris (TA Paris,  31 mai 2023, n° 2113075)

Dans une décision récente concernant l'éligibilité au Crédit d'Impôt Innovation, le Tribunal Administratif de Paris s'est penché sur l'importance de la justification des compétences des salariés dans le cadre de projets innovants.

Contexte & Demande Initiale : Une entreprise anonyme a sollicité le remboursement des crédits d'impôts pour la recherche (CIR) et pour l'innovation (CII) au titre d'une année donnée pour deux projets technologiques. L'administration fiscale a validé le CIR, mais a remis en cause l'éligibilité au CII.

Position du TA Paris : Les juges considèrent qu’« aucun des sept salariés mentionnés par la société n’a les compétences requises pour réaliser des travaux de programmation informatique, qui, par ailleurs, ont été réalisés par des entreprises sous-traitantes ».

L’avis de notre Directeur fiscal : L‘exigence de justification monte d’un cran, après la reconnaissance de la qualification acquise par l’expérience professionnelle vient le temps de la démonstration de la qualification pour les tâches réalisées.

Cette approche est en opposition avec la réalité des petites voire très petites entreprises où les salariés sont bien souvent multitâches. Il est important de noter qu’il n’existe pas toujours de structures de formation délivrant des diplômes officiels dans le secteur de la blockchain par exemple.

Enfin, le caractère innovant de vos projets ne sera pas de nature à justifier que les personnels valorisés ont la qualification professionnelle pour faire ces mêmes tâches. Cette précision est surprenante car il faut quelqu’un les réalisent ces opérations d’innovation !

Espérons que les prochains jugements évolueront différemment. En attendant, il est important de fournir un effort de justification du temps passé et de créer des fiches de poste par exemple pour démontrer l’adéquation entre la qualité et le temps passé.


Amélioration de Performance & Exigence de Démonstration

Décision du Tribunal Administratif de Montpellier (TA Montpellier, 13 juill. 2023, n° 2104197)

Le Tribunal Administratif de Montpellier a récemment mis l'accent sur la nécessité pour les entreprises de fournir des preuves concrètes pour justifier le CII

Contexte & Situation Initiale : L'affaire en question concernait une société qui prétendait que son logiciel se distinguait des produits existants sur le marché grâce à des performances supérieures. Pour étayer cette affirmation, la société devait fournir des preuves tangibles et mesurables.

Position du TA Montpellier : La cour a estimé que les arguments avancés par l'entreprise n'étaient pas suffisamment circonstanciés. Elle a souligné l'absence d'éléments précis et mesurables, tels que des données comparatives, pour étayer les revendications de l'entreprise sur la supériorité du logiciel. La simple déclaration de la société concernant les performances du logiciel n'a pas été considérée comme suffisante.

L’avis de notre Directeur fiscal : L’amélioration des performances doit se justifier par des résultats objectifs que seule l’entreprise peut fournir. Parfois, des schémas sont plus explicites qu’une longue prose.

Il s’agit d’un point très scruté sur le terrain et doit donc être démontrée. Il convient de fournit le résultat de test. Après tout, chaque financement, qu’il soit public ou privé impose un minimum de justification ! de


Aller, c’est tout pour aujourd’hui ! Si vous êtes arrivé jusqu’ici bravo à vous. N’hésitez pas à rentrer en contact avec nous pour de plus amples informations sur les questions de veille fiscale, même pour vos affaires les plus complexes 😉


Pour plus d’informations sur ces jurisprudences ou si vous souhaitez répondre à une question sur la fiscalité de votre entreprise, n’hésitez pas à demander un entretien avec notre expert en nous contactant sur https://www.bconseil.fr/experts-cir-cii-jei/


A PROPOS DE NOTRE EXPERT JULIEN SOILLY:

Julien a travaillé pendant 15 ans à la Direction Générale des Finances Publiques. Diplômé de l’Ecole Nationale des Impôts (ENI), il a été affecté dans les services de gestion, dans une cellule de contrôle sur pièces et au contentieux. Son expertise lui a ensuite permis d’obtenir des postes à profil. Il a ainsi intégré le bureau du contrôle fiscal à Bercy avant de devenir enseignement à l’ENI devenue l’Ecole Nationale des Finances (ENFIP).

Il a ensuite travaillé pendant plusieurs années au sein de structures de conseil dans le financement de l’innovation sur les dispositifs du CIR/CII et JEI accompagnant personnellement plus de 150 entreprises en contrôles fiscaux notamment. Membre actif de la commission fiscale de l’Association des Conseils en Innovation, il est également un expert reconnu de la fiscalité de l’innovation.

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